Le phénomène contemporain des banlieues a été en grande partie marqué par l'explosion urbaine dont les effets périphériques ont empêché une croissance ordonnée. Le contraste est saisissant - surtout dans les pays industrialisés - entre les centres-villes, qui bénéficient de coûteuses actions de rénovation ou d'aménagements de zones piétonières, et les banlieues laissées à l'abandon ou intégrées à des Zones Urbaines qui ne profitent pas de la dynamique d'expansion de l'espace périurbain.
Les banlieues, insérées entre des centres-villes constituant les vitrines du pôle régional et le périurbain "aéré" qui favorise ex-urbanisation des activités et lotissements résidentiels convoités, souffrent de leur encombrement et d'une réelle obsolescence. Seuls des cas exceptionnels rendent certaines d'entre elles attractives, les villes nouvelles échappent aussi à ce carcan.
"L'UNIVERS" DES BANLIEUES
Les violentes atteintes architecturales, urbanistiques, sociales et culturelles dont les banlieues ont été victimes ont généré un milieu propice à l'irruption de graves difficultés sociales. Leur tissu urbain se constitue de grands immeubles collectifs d'habitation, barres horizontales et tours. Les dessertes commerciales et les services de première nécessité sont faibles. Espaces verts, de jeux ou de loisirs sont distribués avec parcimonie. Ces ensembles, construits en toute hâte pour répondre aux énormes besoins des grandes agglomérations, manquaient dès l'origine d'un environnement convivial et étaient dotés d'un minimum d'équipements. Avec un souci de confort encore inconnu à cette période, ils ont permis à des ménages aux revenus modestes de s'abriter, avec le soutien des politiques d'habitat social notamment les aides au loyer. Parallèlement à cette poussée, de nombreuses entreprises établies à proximité durent fermer leurs portes - dépassées technologiquement - augmentant ainsi la durée des flux de migration quotidiennes.
DESEQUILIBRES ET "FRACTURE SOCIALE"
L'absence de véritable politique d'urbanisme social a renforcé les déséquilibres. A Paris, les banlieues résidentielles se sont accrues à l'Est alors que les emplois tertiaires centrés autour de constructions spéculatives de bureaux se sont multipliés à l'Ouest. Au début des années 1990, la fermeture symbolique de la Régie Renault à Billancourt consacre la fin d'une période : celle qui a pourvu les habitants des banlieues d'activités de proximité.
Les échecs successifs et les effets destructurants - spatiaux et sociaux - ont concentré dans les banlieues les problèmes sociaux les plus aigus de notre époque. Chômage, pauvreté, marginalisation affectent d'importantes catégories de la population. Il n'est pas étonnant qu'elles soient devenues des foyers d'explosion sociale. La partition spatiale de la société contemporaine est nourrie de ce terreau de la "banlieusardisation" : une dissociation initiale entre une population marginalisée à tous égards et une majorité d'habitants vivant et travaillant dans le noyau urbain. Depuis la fin des années 1980 surtout, cette fracture spatiale est devenue sociale, intégrant à l'ensemble du tissu urbain le phénomène de marginalité.
Il faudra une quarantaine d'années après cette vague des grands ensembles pour que les Etats commencent à proposer des "remèdes". En France est créé le Ministère de la Ville en 1991 qui a donné lieu à l'établissement d'un constat des carences essentielles. La même année est votée une loi anti-ghetto et introduite une solidarité urbaine entre villes pourvues et celles qui le sont moins. Le budget de la Ville sera ensuite en augmentation : ouverture d'écoles, de stades et incitation à l'installation de services publics.
IM
Sources :
- LEFEBVRE Henri, La production de l'espace, Economica, 2000
- REMY Jean, VOYE Liliane, Ville, ordre et violence : formes spatiales et transaction sociale, Collection Espace et Culture, Paris, 1981